Peer Gynt

texte Henrik Ibsen
mise en scène Sylvain Maurice

« Ce Peer Gynt était un être singulier, dit Anders. C’était un vrai forgeur de fables et d’histoires qui t’auraient amusé : il racontait toujours que lui-même avait pris part à toutes les aventures que les gens disaient arrivées autrefois. »

Entretien avec Nicolas Laurent (juin 2021)



Note d'intention
Pour commencer, une troupe de comédiens ambulants, un « chœur » muni de quelques accessoires et de valises, prêt à représenter Peer Gynt. On joue à jouer, on raconte, on avoue les signes : il suffit de mettre un chapeau ou de s’emparer d’un accessoire pour devenir le personnage. Il y a des marionnettes, des musiciens à vue, on est proche du théâtre de tréteaux. Jean-Baptiste Verquin et Delphine Léonard, deux jeunes acteurs, jouent Ase et Peer : une mère et son fils, mais surtout un couple, un duo comme l’Auguste et le Clown blanc. Ase et Peer sont unis par la fiction, l’imaginaire, les histoires qu’ils se racontent pour recoudre les blessures du passé, lutter contre un présent désastreux et inventer un futur. Peer est l’enfant-roi qui joue avec ses marionnettes dans la solitude de la maison désertée par le père.
Le coup de génie d’Ibsen est de ne pas seulement mettre en scène des personnages qui s’échappent grâce à l’imaginaire, mais de mettre en jeu un monde où l’imaginaire est la réalité. Comme Alice, Peer traverse le miroir et découvre le peuple des Trolls, le Courbe et le Fondeur de boutons, un monde où un enfant peut naître d’un pur désir, où les fantasmes sont la réalité... À l’inverse, Peer tente de s’absoudre de ses actes, comme s’ils n’avaient pas eu lieu, comme de purs fantasmes. Pour lui, la responsabilité et l’engagement n’existent pas. Il arpente le monde pour s’affranchir des conséquences.
Le voyage de Peer — la seconde partie de la pièce — est certainement un des moments les plus singuliers de la dramaturgie moderne : Peer, véritable Fregoli, y change continuellement de point de vue. L’habit, chez lui, fait le moine. Peer est tour à tour capitaliste colonial, singe, promeneur solitaire, prophète, historien. Sharif Andoura, le deuxième Peer, sera un sorte d’Arlequin métaphysique, à la fois naïf et malin, lâche et audacieux, entre Rimbaud, Chaplin et Don Quichotte... Dans cette partie, Peer s’adresse au public comme à lui-même. La frontière entre la vie et sa représentation s’efface ; Peer est le démiurge qui commande l’illusion théâtrale, sous la forme de toiles peintes et d’objets naïfs qui descendent des cintres. Le théâtre est pour lui comme un grand jouet…
Enfin, vingt ans plus tard, Peer rentre au bercail, sans avoir rien appris malgré les épreuves. L’homme âgé est un vieil enfant qui court sur place : le passé ne l’a jamais quitté et la mort pointe son nez. Peer est prisonnier d’un chassé-croisé entre passé et présent, entre Jean- Baptiste Verquin et Sharif Andoura, comme un jeu de double. Peer Gynt ou l’enfermement narcissique : si « je est un autre », alors « l’autre c’est moi ». Y-a-t-il une issue ? Jean-Baptiste / Sharif : un duo d’acteur pour un je multiple...
Je souhaite mettre en scène un spectacle à la fois épique et intime, forain et spectaculaire... Jouer, incarner une épopée de quatre heures avec huit comédiens et trois musiciens pour traverser quarante personnages et soixante ans de vie. Je veux raconter beaucoup plus que le destin d’un homme, aussi singulier soit-il, en prenant le théâtre, tout le théâtre, à bras le corps, dans son absolue singularité. Il me semble que nous sommes tous des Peer Gynt, comme de grands enfants roués. La morale, dans ce spectacle, n’est pas notre affaire : il faut que ça joue, parce que c’est vital. Sylvain Maurice

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Générique >

traduction François Regnault
avec Sharif Andoura, Nadine Berland, Cécile Bouillot, Antoine Caubet, Frédéric Jouhannet, Arnault Lecarpentier, Delphine Léonard, Alain Macé, Pascal Martin-Granel, Jean-Baptiste Verquin et les musiciens Aurélien Guyot (violon), Christophe Thomas (percussions), Alexandre Vukobrat (saxophone)
assistanat à la mise en scène Aurélie Hubeau
collaboration artistique Denis Loubaton
scénographie et marionnettes Damien Caille-Perret assisté de Céline Perrigon et Thomas Debroissia
lumière Philippe Lacombe
musique originale Dayan Korolic
son Jean de Almeida
costumes Virginie Gervaise assistée de Maud Lemercier
régie générale Michaël Devaux

production Nouveau Théâtre CDN de Besançon et de Franche-Comté
coproduction Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN, avec le soutien de la Spedidam
texte publié aux Éditions Théâtrales
création en 2008
photos © Elisabeth Carecchio

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Dossier de production
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