Kanzlist Krehler

Entretien avec Nicolas Laurent (juin 2021)

Note d'intention
La tragicomédie Kanzlist Krehler est et une suite, et une variation du vaste Stationendrama – Du matin à minuit de Georg Kaiser, que j'ai déjà mis en scène en France en 1993. Cette fois-ci, Kaiser concentre l'intrigue sur un seul espace, le salon d'un petit employé exemplaire, le secrétaire Krehler, un vrai clone du caissier de Du matin à minuit.
Bien que la dramaturgie de la pièce fasse parfois penser aux portes qui claquent d’une comédie conventionnelle de boulevard, la stylisation de la langue crée néanmoins une forme de théâtre très spéciale. C’est de cette langue que s’empare un petit employé, pour s’élever à la hauteur de ses rêves, pour devenir en une seule journée un « nouvel homme », libéré de toutes contraintes sociétales et familiales. Il démissionne de son emploi de bureau et quitte sa femme. Mais son départ pathétique se révèle bientôt être une bulle de savon, une terrible illusion, et la perte de cette dernière pousse le secrétaire dans la tragédie. En donnant des conseils bien intentionnés, le patron de Krehler, M. Rat, obtient l’effet exactement contraire : au lieu de le remettre sur le bon chemin, il plonge Krehler dans un profond et réel désespoir.
La seule alternative au quotidien poussiéreux de petit-bourgeois sera de sauter par la fenêtre. Tout comme pour son précurseur, le caissier de Du matin à minuit, le suicide représente pour Krehler la seule possibilité de se libérer d'une vie déterminée par les autres. Sylvain Maurice