La Campagne

texte Martin Crimp
mise en scène Sylvain Maurice

« Est-ce qu’elle est vivante ?
Évidemment qu’elle est vivante. Ça veut dire quoi, ce genre de question ? »

Richard, médecin, et sa femme Corinne ont quitté Londres pour s’installer à la campagne. Tandis que Corinne s’acclimate à cette nouvelle vie avec leurs deux enfants, Richard enchaîne les visites à domicile chez ses patients. Un soir, il rentre à la maison en portant une femme, inconsciente, dans ses bras. Cette jeune Américaine prénommée Rebecca, qu’il dit avoir trouvée étendue sur le bord de la route, va semer le doute et révéler les fractures du couple.

Après Dealing with Clair (Claire en affaires), Sylvain Maurice adapte de nouveau le dramaturge britannique Martin Crimp. Dans La Campagne, celui-ci pousse ses trois personnages dans les méandres du désir, exhume les fantômes du passé, traque les conflits cachés et fait chanceler l’édifice des mensonges, petits ou grands, qui maintiennent le couple en équilibre. Isabelle Carré et Yannick Choirat, entourés de Manon Clavel, nous entraînent au cœur d’une mécanique théâtrale construite comme un thriller, reposant sur la puissance de la langue et ses dialogues aussi quotidiens que redoutables. Par la subtilité de leur jeu, entre profondeur et légèreté, les deux comédiens déploient devant nous toute l’humanité de ces personnalités qui se fissurent, happées par le doute.

Vidéo(s) >

Générique >

avec Isabelle Carré, Yannick Choirat en alternance avec Emmanuel Noblet et Manon Clavel
traduction Philippe Djian
assistanat à la mise en scène Béatrice Vincent
collaboration artistique Julia Lenze
scénographie Sylvain Maurice en collaboration avec Margot Clavières
lumière Rodolphe Martin
costumes Olga Karpinsky assistée de Lucie Guillemet
son Jean De Almeida
régie générale André Neri

reprise de production Compagnie [Titre Provisoire] 
production Théâtre de Sartrouville et des Yvelines–CDN
coproduction Théâtre Montansier, Versailles
avec la participation artistique du Jeune théâtre national
la pièce La Campagne de Martin Crimp est publiée et représentée par l’ARCHE – éditeur et agence théâtrale
création 22 novembre 2022
photos © Christophe Raynaud de Lage

Dossier de production >

Dossier de production
dossierdeprod_lacampagne_nov22.pdf

Bonus >

Pourquoi revenir à l’auteur Martin Crimp, onze ans après Dealing with Clair (Claire en affaires) ?
Sylvain Maurice : Martin Crimp figure, pour moi, parmi les auteurs les plus importants. Sa thématique de prédilection est la cruauté, et même la perversion, aussi bien dans la sphère privée que publique. Il tisse, de façon discrète et silencieuse, une toile d’araignée où les personnages se trouvent déshumanisés : ils doivent, s’ils veulent se libérer des pièges qui leur sont tendus, se faire violence à eux-mêmes, tellement ils sont sous influence et sous emprise. Ce point de vue, avec en son centre l’asservissement, est mis en jeu par le biais du langage, dans le travail concret de l’écriture. Crimp est un dialoguiste exceptionnel. Je suis frappé, dans La Campagne en particulier, par la puissance de l’écriture : une intrigue parfaite, un équilibre dans les dialogues, des personnages qui ne se dévoilent que très progressivement – et un arrière-plan de critique sociale et politique. Le couple, pour Crimp, peut représenter, dans cette pièce en tous cas, le début d’une forme de totalitarisme…

Que représentent les trois personnages pour toi ? Quels choix opères-tu pour les mettre en scène ?
Ils me sont assez familiers, dans les questions qui se posent à eux à travers le « trio amoureux » : jusqu’où un couple vit-il dans la fusion ? Quels sont les secrets, les non-dits que l’on s’autorise pour que le couple « tienne » ? Connaît-on vraiment l’autre ou bien reste-t-il/elle un étranger ou une étrangère malgré les années ? La scénographie propose un point d’équilibre entre un espace concret pour les acteurs – car La Campagne est vraiment un théâtre de situations – et un espace plus abstrait où les non-dits et l’inquiétante étrangeté peuvent spontanément surgir. On a besoin par conséquent de quelques accessoires, mais l’espace est bien davantage qu’un salon : il ouvre sur le monde de la nuit et de la campagne, synonymes d’une perte des repères civilisés.

Un couple quittant la ville à la recherche d’un autre mode de vie, plus apaisé : c’est un thème qui résonne aussi avec le monde d’aujourd’hui, et avec la crise sanitaire récente…
La ville, tout particulièrement pour Richard, représentait des tentations multiples et un dérèglement des sens. Mais, par un effet d’ironie, alors que le couple croyait trouver une issue dans son installation à la campagne, ce qui était caché resurgit. Il est certain que la pièce, écrite au tout début des années 2000, trouve une actualité avec la pandémie, mais je n’ai cherché aucunement à l’actualiser. Il n’empêche qu’elle résonne, malgré nous en quelque sorte, et semble prémonitoire, car Crimp a l’intuition que l’être humain inscrit ses conduites en permanence dans le déni : on ne veut pas voir, on refuse de voir. Et n’est-ce pas malheureusement le cas, notamment dans notre relation à la nature ? Pour cette raison aussi, Crimp s’inscrit dans le présent.